L'école a-t-elle un rôle à jouer face au racisme?
« En évitant le conflit, on rend impossible l’émergence de commun. »(Dhume F., la coopération dans l’action publique.)
Le samedi 19 novembre, Fabrice Dhume a répondu à l'invitation du MRAP Lunellois/Petite Camargue. Il a présenté à la Médiathèque du pays de Lunel ses recherches menées dans le cadre de l'ISCRA ( Institut Social et Coopératif de Recherche Appliquée) en Alsace. Sociologue, il s'intéresse aux phénomènes de discrimination, d'ethnicisation et de racisme de/dans l'institution scolaire. Une soixantaine de personnes sont venues assister à cette conférence. Lors du débat, les questions de la formation des enseignants, de la laïcité, de l'action antiraciste ou encore du féminisme ont été soulevées. Pour le comité du MRAP l'approfondissement de ces thèmes nécessite une suite.
Ce qui frappe, dans l'étude menée en Alsace dans des établissements scolaires par Fabrice Dhume, c'est la constance de l'institution scolaire à nier les actes de racisme. Nous sommes là face à un tabou:
Quand la question du racisme émerge, la réponse est d'abord caricaturale. « L'Autre » est renvoyé à son « folklore ». Les élèves dont les parents sont issus des anciennes colonies sont ethnicisés, assignés à une identité.
Un nouveau débat s’ouvre avec la question du port du voile... Les pouvoirs publics s’empressent de le refermer en promulguant une loi et en décrétant que l'école doit être protégée de toute intrusion, sanctuarisée.
La Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme constate « la banalisation de la parole raciste et (la) poursuite de la montée de l'intolérance ». La hiérarchie scolaire construit un outil de signalement pour tout acte de violence (SIGNA) sans que la catégorie « Racisme » soit clairement définie.
Il y a une vraie difficulté à construire un travail éducatif sur le racisme. La sensibilité du sujet au niveau politique conduit à agir plus sur sa visibilité que sur les évènements eux - mêmes.
L’école doit répondre à cette question, il en va de sa responsabilité éducative. Elle doit reconnaître les faits et intervenir pour les réguler. Elle se doit de sensibiliser les élèves au racisme et au vivre ensemble. « Cela suppose que l’institution scolaire et ses acteurs soient à peu près clairs dans leur rapport au racisme. Cela implique … qu’ils soient en capacité de prendre de la distance et de travailler ces questions avec du recul … qu’ils osent se saisir pédagogiquement des situations pour en faire des espaces d’apprentissages. »*
Dans son intervention Fabrice Dhume ne cache pas les difficultés auxquelles sont confrontés les personnels de l'éducation. Sans apporter de réponse toute faite, son étude, par sa richesse, ouvre de nombreuses pistes d'interventions.
Sa réflexion dépasse le seul cadre de l'éducation et peut être étendue à l'ensemble du secteur public. Il invite aussi le mouvement antiraciste à porter un regard critique sur ses pratiques.
*Fabrice DHUME, Racisme, antisémitisme et « communautarisme » ? L’école à l’épreuve des faits. édition L'Harmattan - 26 €.