THEATRE: PAROLES DE MIGRANTS

Publié le par mraplunellois

L'immigration en chair et en os

 

150 personnes à la Salle Castel pour écouter des paroles de migrants et débattre sur les rapports ambigüs de la France avec ses étrangers.

 

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      Environ 150 personnes, certaines venant même du Gard, ont répondu dimanche dernier à l'invitation du Mrap Lunellois, relayée par plusieurs associations lunelloises.

Un beau succès donc autour d'un thème on ne peut plus chaud puisqu'il s'agissait de l'immigration. Ou plutôt de ce que peut vivre et ressentir une personne quittant son pays pour la France. La compagnie ardéchoise A.R.T. (Ateliers de réalisations théâtrales) a ainsi réuni dans Passages neuf portraits, neuf histoires intimes d'immigration. Dans une mise en scène très sobre, chaque personnage s'avance à tour de rôle. Et prennent le risque de la parole publique puisque certains comédiens jouent leur propre rôle. Ces bouts de vie racontent le moment de bascule qu'est toute migration, le pourquoi du départ, le comment de l'arrivée, leur relation à l'étrange. Hommes et femmes disent leurs espoirs, leurs déceptions. Départs parfois choisis, parfois subis, tous sont dans la recherche de leur propre vie : pouvoir vivre dignement loin de la misère, suivre un homme aimé, tater du réel d'une France idéalisée, fuir les massacres… se construire, se reconstruire.

 

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Le public nombreux, attentif, militants à divers titres pour bien d'entre eux, a perçu toute la valeur de ces images de l'immigration. Le long débat qui a suivi le spectacle soulignait en effet ce qu'il permettait de mise en perspective : il ne s'agit plus de l'immigration comme phénomène social, global, présenté comme un "problème" avec son lien  supposé avec la délinquance. Ici l'abstraction sociologique et politique s'individualise, prend vie et visage et l'on s'aperçoit que le migrant nous est au fond très semblable. . L'immigration devient singulière, loin de la hantise d'une invasion, d'une perte de l'identité française. Passages nous rappelle aussi que l'immigration n'a pas que des ressorts économiques, qu'elle n'est pas que maghrébine ou africaine mais aussi européenne - et certains parlent même du passage d'une région à l'autre de la France comme d'une vraie "migration". Il est rappelé aussi qu'elle est inévitable - et même souhaitable - puisque les hommes bougent et parlent et échangent, de tout temps et en tous lieux.

 

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Mais que faire concrètement pour que l'immigré, l'étranger ne soit pas source et objet de suspicion, de crainte ? Comment remettre de l'humain là où le discours politique, les institutions déshumanisent ? S'il y a autant de raisons et de manières de migrer que de migrants, comment permettre qu'ils prennent la parole ? L'idéal de liberté et d'égalité, qui caractériserait la France, selon un intervenant, n'est-il pas mis à mal par les discriminations sociales et économiques dont sont victimes les immigrés ? Le débat s'est donc naturellement orienté vers la question du vote des étrangers non communautaires aux élections locales.

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Certains n’étaient pas convaincus de cette nécessité et de cette urgence, confondant même les catégories "étrangers" et "immigrés", alors qu’un immigré peut avoir déjà acquis la nationalité française et donc voter. L'argumentaire tourne autour de trois remarques : le nombre de personnes concernées serait infime (alors qu'ils sont tout de même estimés à 1,8 million), les élections municipales ne seraient pas politiquement assez importantes (alors à quoi bon un droit au rabais ?) et il faudrait s'assurer de la réciprocité de ce vote pour les Français expatriés. Bref, les arguments qui pourraient permettre à l'actuel gouvernement de reculer une nouvelle fois (depuis trente ans !) sur cette question. Pourtant, est-il répondu, 17 pays européens ont adopté cette mesure sans mettre en péril leurs équilibres politiques. Et surtout, dit un autre, ce serait un signe symbolique fort vis-à-vis des étrangers et de leurs familles. Peut-être alors, ces fameux idéaux d'égalité et de liberté prendraient un peu de chair.

Ce long débat s'est poursuivi autour d'un buffet que les participants ont quitté tard. Des contacts ont été pris, des adresses échangées, des projets évoqués, trois adhésions au MRAP Lunellois ont été actées. Il y avait de fait une sorte de tension agréable, le plaisir de découvrir des préoccupations communes et le soulagement de les partager.

Pour compléter le récit de cette soirée, signalons qu'elle tient à l'initiative de Brigitte Niel, elle-même immigrée ardéchoise…

 

Catherine Lavergne

 

 

 

Publié dans ACTIONS PUBLIQUES

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